Les Annales politiques et littéraires 22 juillet 1923
fac-similé Gallica intégral du journal
l'Indochine Annam et Cambodge en juillet et août 1922
S.M. Kai-Dhin nous dit pourquoi il vient à Paris
Hué (Annam) juin
A Hué, sa capitale, trois jours avant de prendre la mer, Sa Majesté me fit l'honneur princier de me recevoir. "Mon père avait eu ce projet : aller remercier la puissance protectrice...ce bonheur m'échoit. Je viens à Paris dire que je suis content que l'Annam, dont je suis le père et la mère, est heureux... je ne formule qu'un voeu : ne nous abandonnez pas."
C'est ainsi, qu'entre l'Inde et la Chine, parle le protégé de la France au bout de l'Asie.
DD
La belle Indochine
Hanoï juillet
L'Université, l'Ecole de médecine, le lycée pour les jeunes filles, l'hôpital indigène (si les pauvres bougres de Paris avaient un hôpital pareil, ils préféreraient y mourir qu'en sortir)...
Où est la brousse? Hanoï est un bouquet. Voici enfin une ville neuve d'Extrême-Orient.
Cinq Annamites du parti "Jeune Annam"
Hanoï juillet
"Demain le Français replie sa tente,remonte son sac, gagne Haïphong, s'embarque et, de la main, vous fait de beaux saluts... adieu! que votre riz se porte bien, bonne chance!...
Vous verrez, comme je vous vois, les bandes du Yunnan dévaler par la porte de Chine. Entre nous, mes chers confrères, si le Blanc décampait, je crois bien que ce serait une catastrophe pour votre race.
Ce serait vous jouer le coup de l'ascenceur qui arrêterait son client, pour toute la vie, entre deux étages"
DD
Le prince Pondgara et le roi Sisowath
Pnom-Penh juillet
Parlez-moi de Pnom-Penh. Voilà une ville qui ne vous fait pas languir. Son caractère est sur les toits.
Pnom-Penh est un troupeau de buffles dressés sur leurs pieds de derrière et provoquent de leurs cornes l'implacable cuirasse du ciel.
Le Cambodgien n'a été créé, modelé et mis au monde pour aucune autre besogne que celle d'aller aux fêtes des pagodes, jouer sur le pas des paillottes et, l'âme en extase, manger des gâteaux.
DD
Promenade à Saïgon
Saïgon juillet
Au fond, il n'y a que Saïgon. Saïgon, c'est la colonie. C'est la colonie de
la colonie. Personne ne vous dira : je suis en Indochine; on dit : je suis à la colonie... Saïgon en Indochine, c'est Saïgon, comme dans un village, monsieur le comte est monsieur le comte.
La colonie des bigoudis..c'est la colonie des ménages. L'Indochine, le matin, endosse la camisole bourgeoise et le soir met ses bigoudis... Marins qui passent, outrepasssent et parfois trépassent, vieux durs à cuire qui résistent - et pour qu'ils ne soient pas cuits, il faut qu'ils soient durs.
DD
Dalat, Terre promise et bien gagnée
Dalat (Annam) juillet
Dalat est la goutte d'eau sur la langue suppliante du pêcheur mort sans confession et qui en serait à sa cent unième année de soif ardente. Dalat est tout à la fois tout et rien du tout. Une planche, pour un monsieur qui se noie, c'est le monde entier, cependant ce n'est qu'un morceau d'arbre mort. Pour le malheureux qui monte de la plaine, vingt-trois chalets de bois du Lang-Biang sont vingt-trois planches de vie...
Dalat n'est pas qu'une future station, mais l'authentique et présente capitale de chasse de l'Extrême-Orient.
Une chasse au tigre dans la jungle indochinoise
Ce qui se passe dans l'Inde - octobre et novembre 1922
Premiers pas, premiers étonnements
Calcutta octobre
La police anglo-indienne n'est pas hospitalière. On dirait qu'elle sent déjà qu'elle aura à vous nourrir et vous coucher..Elle vous marque au fer rouge...
Le matin, elle vous apporte votre thé sous les apparences d'un boy; aux gares, elle vous prête avec bienveillance ses épaules pour charger vos valises; le mendiant qui "fait" la porte de votre hôtel est moins attentif aux deux annas que vous lui donnez qu'à la direction que vous allez prendre...la police, dans l'Inde, n'est pas une institution : c'est une araignée.
Rouler constitue l'une des joies favorites de la race. Il n'est pas figures plus heureuses que celles de cent indigènes macérant depuis trente-six heures dans une voiture à vingt places.
Comment apparut Gandhi
Calcutta
Sa devise "Subir, mériter, espérer". Son cri de guerre : "Ne jamais frapper son prochain". Voici ses deux armes : non-coopération, et désobéissance civile. On laissera la formidable barque indienne aller à la dérive avec ses soixante-dix millle Anglais à l'intérieur. Les lois du vice-roi ne seront plus observées.
On a dit que l'Inde se soulevait; c'était mal dire, elle se retirait. Deux ans dura la règne du mahatma Gandhi... il supprimait la question de la vache et celle des intouchables... Mais docteurs, avocats, juges, fonctionnaires n'ont pas tous une âme de martyr. Ces messieurs trouvèrent qu'il était plus facile de se passer encore un temps de drapeau national que de pain quotidien - surtout de beurre!
Mouvement nationaliste après arrestation de Gandhi
Nouveau chef nationaliste
Calcutta
Quand l'Hindou ouvre l'oeil, il est prêt, il n'a même pas besoin de sortir de sa maison, vu qu'il couche sur le trottoir. Une promenade de nuit dans Calcutta est absolument la même chose qu'une promenade de nuit dans un cimetière ou les morts seraient étendus non dessous la dalle, mais dessus... Mais ce ne sont pas des macchabées : ils ronflent.
Les curiosités du pikketing dans Calcutta
Calcutta
Pikketing? C'est un enfant du mouvement nationaliste indien, c'est même un enfant terrible. Le pikketing est l'acte par quoi des Indiens empêchent d'autres Indiens d'acheter des cotonnades anglaises.
Le poète indien Tagore contre le mage Gandhi
Calcutta
Dans l'Inde, c'est avec le même mot qu'on dit aujourd'hui et demain. Un homme sérieux qui vous a donné rendez-vous à huit heures du matin arrive tout essouflé à neuf heures du soir.
Naguère, une entrevue Gandhi-Tagore émut le pays immense. Mystérieuse, elle dura quatre heures. Et longtemps on ne sut qu'une chose, c'est que Gandhi était parti sans avoir été prié de saluer la famille Tagore.
Les Anglais dans l'Inde
Calcutta
Quelqu'un qui n'a pas entendu ce mot,
Native, de la bouche d'un Anglais, n'a pas la moindre idée de l'intonation de mépris. On dirait que, pour l'Anglais, d'abord il y a l'Anglais, ensuite le cheval, ensuite le Blanc en général, ensuite les poux, les puces et les moustiques, et enfin le
Native ou indigène... Il ne peut pas sentir l'homme de couleur, alors il le montre... Il reste farouchement l'éternel étranger.
Le sourire est un mouvement de la face inconnu dans l'Inde. L'Indien ne sourit pas. L'Anglais ne sourit pas...vous ne devrez pas dire que le contact est rompu entre Indiens et Anglais. Il n'a jamais existé.
A Bénarès, la ville des prières
Et l'Inde française ?
Matériellement, nous n'avons pas fait pour nos quelques Indiens le dixième de ce que les Anglais ont fait pour la quantité des leurs; et dans l'Inde anglaise, c'est la haine tandis que dans l'Inde française c'est l'idylle.. A Pondichéry, c'est comme en Indochine, vous n'êtes ni dieu ni dogue, mais une espèce de bon zigue à qui on peut sourire.
Le drame indien n'en est qu'à son prologue
Calcutta
Etre fermement décidé à la révolution mais ne savoir par quel bout commencer est un lot cruel. C'et celui des nationalistes de l'Inde. Ils cherchent.
Grand drame, en vérité, que celui de l'Inde. Et nous n'en sommes qu'au prologue. C'est dans les yeux des hommes qu'il faudra chercher le temps qu'il fera dans leur âme. Or les yeux des
condottieri hindous sont chargés comme un ciel d'ouragan sous les tropiques.
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