L'univers des écrits de et sur Albert Londres






pour chaque article : illustrations, aphorismes "londresiens" et accès au Fac similé intégral du journal en pdf.


Au Bagne (Cayenne)


Au bagne... c'est le tite du livre emblématique de l'oeuvre d'Albert Londres. C'est lui qui a imaginé et organisé ce voyage. Après sept années de reportages de guerre et un premier grand reportage "civil" en Extrême-Orient, AL a voulu enquêter et dénoncer les conditions de détention bien françaises organisées en Guyane, bien loin des yeux. Le séjour s'est déroulé entre juin et août 1923. Le Petit parisien a publié le reportage en 25 articles du 8 août au 6 septembre, date du retour d'Albert Londres et de son interpellation du Gouvernement pour lui demander d'intervenir et faire cesser le bagne. Suppression dont le principe a été arrêté immédiatement, il faudra toutefois plusieurs années pour que la cessation soit totale.

Le langage imagé d'Albert Londres s'exprime ici avec sa force des mots habituelle. C'est terriblement expressif mais reste mesuré pour que le lecteur puisse apprécier l'objectivité et la grande empathie de l'auteur vis-à-vis de ces "déchets de l'humanité" condamnés, comme il l'a ici révélé, à "la double peine".



Le Petit Parisien 8 août - fac-similé Gallica intégral du journal

En voguant vers la Guyane
Première rencontre : onze forçats évadés et repris

En bas, sur la mer, onze hommes blancs et deux policiers noirs attendaient dans une barque. C'étaient onze Français, onze forçats évadés, repris et qu'on voulait rembarquer pour la Guyane. Les autorités de Trinidad insistaient pour se débarrasser de cette cargaison.

Les onze forçats étaient là, durement secoués par ce mélange de roulis et de tangage baptisé casserole. Eh bien, leur dis-je, pas de veine ! "On recommencera !"





Le Petit Parisien 9 août - fac-similé Gallica intégral du journal
A Cayenne Premiers étonnements

Je cherche en vain le port, mais je fais connaissance de "l'Amiral"

Cinquante Guyanais et Guyanaises, en un tas noir et multicolore (noir pour la peau, multicolore pour les oripeaux), au bout d'une large route en pente, première chose que l'on voit de Cayenne, étaient massés là pour contempler au loin le courrier qui, tous les trente jours, lentement, leur vient de France.

Ce que je rencontrai d'abord trônait sur un socle. C'étaient deux grands diables d'hommes, l'un en redingote, l'autre tout nu et qui se tenaient par la main. Je dois dire qu'ils ne bougeaient pas, étant en bronze.

C'était Schoelcher, qui fit abolir l'esclavage.

Il y a des hommes en liberté! J'entends que l'on parle. Un seul homme parle, mais une douzaine sont étendus en dormant. Ils doivent avoir perdu le sens de l'odorat. Ces misérables dorment littéralement et au figuré dans un tonneau d'huile de foie de morue. Pour ma part, je préfèrerais passer la nuit à cheval sur le coq de l'église qu'au milieu de poissons crevés.






Le Petit Parisien 10 août - fac-similé Gallica intégral du journal
A Cayenne Premier contact avec les forçats

Le garçon de famille, pieds nus, me tendit une lettre. Le garçon de famille est le bagnard élevé à la dignité de domestique. En Guyane, on compte autant de garçons de famille que de moustiques.
Le camp. Le bagne n'est plus à Cayenne, mais à Saint-Laurent-du-Maroni d'abord et aux îles du Salut ensuite. Je demande, en passant, que l'on débaptise ces îles. Ce n'est pas le salut là-bas, mais le châtiment. La loi nous permet de couper la tête des assassins, non de nous la payer. Cayenne est cependant bien la capitale du bagne. C'est une ville désagrégeante.

Enfin, me voici au camp; là, c'est le bagne. Le bagne n'est pas une machine à châtiment bien définie, réglée, invariable. C'est une usine à malheur qui travaille sans plan ni matrice.



Le Petit Parisien 11 août - fac-similé Gallica intégral du journal
Chez Garnier restaurateur des libérés
Chez Bel-Ami. Le doublage? Quand un homme est condamné de cinq à sept ans de travaux forcés, cette peine achevée, il doit rester un même nombre d'années en Guyane. S'il est condamné à plus de sept ans, c'est la résidence perpétuelle. Combien de jurés savent cela ? Le jury, ignorant, condamne un homme à deux peines. Le but de la loi était noble : amendement et colonisation, le résultat est pitoyable : le bagne commence à la libération.

DDDDddddd






Le Petit Parisien 12 août - fac-similé Gallica intégral du journal
Hespel-le-Chacal bourreau humanitaire et verbeux

Ah! c'est Hespel, l'ancien bourreau de bagne, une vieille célébrité.
"A qui ai-je l'honneur de parler?" Je le lui dis. "Ah! parfait! j'allais vous écrire."

"Tant que la justice régna au sein du bagne, de cette justice je me suis fait l'auxiliaire. C'est pourquoi je fus l'exécuteur des hautes oeuvres. Mais, du jour où j'ai compris que cette justice n'existait qu'à l'état de feu follet, j'ai déserté cette route marécageuse.

Monsieur, grâce à mes importantes fonctions, j'ai vu tant d'injustice, tant de massacres froidement ordonnés et exécutés, que j'ai décidé de rentrer dans la vie solitaire."

Il avait des tendresses pour les camarades qu'il menait à la bascule. Leur tête dans la lunette, il les prenait par l'oreille et, une fois le couteau tombé, ne lâchait pas la tête. Il déposait alors doucement, dans le panier, le chef sanglant de son vieil ami
Et pendant huit jours, se promenant face au Rocher noir (île du Diable), il répétait au vent du large et aux requins : "Je suis Hespel, dit Chacal".






Le Petit Parisien 14 août - fac-similé Gallica intégral du journal

L'expiation d'Ullmo

C'était Ullmo, ex-enseigne de vaisseau de la marine française. Il avait quitté le Diable (l'île du Diable) depuis cinq semaines. Quinze ans! il était resté quinze ans sur le Rocher-Noir, dont huit ans tout seul, tout seul. Le début de la guerre lui avait amené des compagnons, d'autres traîtres.

Ullmo s'est fait catholique. Sans situation, sans un sou, même marqué (la petite monnaie de Cayenne s'appelle "sous marqués"), il était promis, comme tous les libérés, aux tonneaux de poissons pourris du marché couvert. Le père Fabre le logea au presbytère. Il y habite encore. Il y mange aussi.

Il a payé, il paye encore. Il ne demande que l'oubli.





Le Petit Parisien 15 août - fac-similé Gallica intégral du journal
Monsieur Duez... et Madame

Ses anciens collègues, les forçats, disent : "Monsieur Duez". Quand il vient à Cayenne, pour affaires, le peuple libre qui le rencontre lui dit : "Bonjour, Monsieur Duez!" Il a fini sa peine. Ses douze ans sont achevés. Mais comme il "écopa" plus de sept années, il est astreint à la résidence perpétuelle. Il est concessionnaire d'une île, à deux heures de là. Duez fut liquidateur, puis bagnard; maintenant, il est éleveur.

L'île Royale était son séjour. Il habitait seul, dans un garbet. Gardien de la poudrière ! c'était son titre : c'est-à-dire, rentier. Puis, il fut libéré.

La Guyane n'est pas un pays, c'est le cul-de-sac du monde. Encore est-ce moi qui, pour être poli, ajoute : "de sac".

Un jour...on vit débarquer une femme très bien. C'était Mme Péronnet, épouse divorcée de M. Duez, venant, après douze ans, rejoindre son ex-mari. Mme Péronnet débarquait avec deux cent cinquante mille francs. Duez avait obtenu la concession, madame la mettrait en valeur.
Mais je ne vous ai pas dit mon but, reprit-elle. Je veux approvisionner Cayenne. A Cayenne on manque de tout. Quelle capitale ! je lui enverrai des cochons, des boeufs, des canards, des poules, des pigeons, du charbon de bois, du poisson, des moutons.






Le Petit Parisien 16 août - fac-similé Gallica intégral du journal
La route coloniale n° Zéro
Elle s'appelle, en réalité, route coloniale Numéro Un Comme elle n'existe pas nous la baptisons Numéro Zéro. Quelle magnifique route! Elle doit traverser toutes les Guyanes.

On n'a pas ménagé les cadavres. On y travaille depuis plus de cinquante ans...Elle a vingt-quatre kilomètres ! Nous prîmes un camion automobile. La route faisait un trou dans la brousse. Elle manquait à la forêt comme une dent manque à une mâchoire.



Le Petit Parisien 17 août - fac-similé Gallica intégral du journal
L'arrivée aux îles du Salut
Aux îles du Salut
A cinq heures de l'après-midi, l'Oyapok siffla. De tous les bateaux qui labourent les vastes mers, l'Oyapok est le plus nauséabond. Les îles sont trois rochers groupés en pleine mer : l'île Saint-Joseph, l'île Royale, l'île du Diable. Nul bateau n'a le droit d'en approcher, nul voyageur d'y poser le pied. On passe au large. L'Oyopok emportait une clientèle ébouriffante. Tous traînaient une batterie de cuisine. On aurait dit un comice de ferblantiers ambulants. Ils vociféraient. Les casseroles sonnaient, cela grouillait si fort que l'on ne savait plus au bout d'un moment, si c'étaient les hommes qui avaient une voix de ferraille ou les casseroles qui parlaient nègre.





Le Petit Parisien 18 août - fac-similé Gallica intégral du journal

Une visite aux cachots de l'île Saint-Joseph

Une entrevue avec Dieudonné, de la bande Bonnot

Dieudonné
A la porte d'une cellule, un nom : Dieudonné. Son cachot n'était pas tout à fait noir. Dieudonné jouissait d'une petite faveur. En me mettant dans le rayon du jour, on y voyait même assez pour lire. Il avait des livres.

"Ce n'est pas réglementaire, mais on ferme les yeux. On ne s'acharne pas sur moi. Les moeurs y sont scandaleuses. On se croirait transporté dans un monde où l'immoralité serait la loi. Comment voulez-vous qu'on se relève? Il faut dépenser toute son énergie à se soustraire au mal.
Il me reste encore trois cents jours de cachot sur les bras. Il ne faut pas dire qu'on ne rencontre pas de pitié.

Aucun espoir n'est en vue et je ne suis pourtant pas un désespéré. Je travaille. J'ai été écrasé parce que j'étais de la bande à Bonnot, et cela sans justice."




Le Petit Parisien 19 août - fac-similé Gallica intégral du journalDDDDDDD Roussenq, l"Inco"
Quel était cet auteur de graffiti? Je demandai son dossier.. je pliais sous le poids. Ce volume pesait bien cinq kilos. Motifs de punition : a excité ses camarades à l'hilarité par son bavardage continuel pendant la sieste : trente jours de cachot. Lacération complète de ses effets d'habillement : trente jours de cachot. S'est catégoriquement refusé à se laisser mettre aux fers : trente jours de cachot. S'est catégoriquement refusé de se laisser déferrer : trente jours de cachot.....

Bref, le transporté Roussenq (Paul)... a collectionné, pendant quatorze ans de bagne, 3779 jours de cachot. Roussenq, me dit le commandant Masse, est un cas curieux. C'est un hystérique du cachot. Il éprouve une volupté quand on le punit. Il écrivit une lettre au Ministre des Colonies pour lui vanter la douceur du cachot. Aussi, ces temps derniers, ai-je décidé, pour le punir, de ne plus punir Roussenq. Il appela les punitions de plus haut. Il écrivit au gouverneur : "vous êtes un dégoûtant personnage..." la punition ne vint pas.





Le Petit Parisien 20 août - fac-similé Gallica intégral du journalDDDDDDD Les fous du bagne
Au bout de l'île s'élève une maison lépreuse. Les blockhaus sont moins tristes qu'elle. Loin de chanter sous la lumière, elle se consume. C'est la case des fous. "A huit ans, j'ai embaumé mon père. Je désire qu'on me rende la pareille. Et, comme je veux être sûr d'être embaumé après ma mort, que l'on commence maintenant. Embaumez-moi...débutez par le ventre"

Trabor, Sénégalais, est assis sur une planche. Il dit toujours la même phrase; "droit civil" et "classe" ces deux mots passent régulièrement comme les agrafes d'une courroie en action. Il y en avait un qui, chaque jour, lançait quelques cailloux dans la mer...il créait une digue d'Amérique du Sud en France. Il n'aurait ensuite plus qu'à marcher dessus pour rentrer chez lui.

"Au Diable"
article ajouté dans l'édition en livre
Les condamnés appellent le Diable le "Rocher Noir". On ne va pas comme cela chez les déportés. Un goulet sépare les deux terres. Le courant est impératif. Nous voici en route depuis un quart d'heure. Six rameurs. Nous n'avons presque pas décollé de Royale. Nous sautons sur le "Diable". Dreyfus l'inaugura. Il y resta cinq ans, seul. Voici son carbet. Il est abandonné. Vint Ullmo. Là est sa case. Il y reçut le baptême, la communion.
Ile du Diable! tombeau de vivants, tu dévores des vies entières. Mais ton silence est tel que pour le passant tu n'es qu'une page !


Le Petit Parisien 21 août - fac-similé Gallica intégral du journalDDDDDDD Marcheras l'aventurier
"Nous n'avons plus de boulets aux chevilles; mais, sitôt que nous battons de l'aile pour nous élever, une corde invisible nous ramène au fond du trou. Je suis le 27.303. Un très vieux cheval! On en est maintenant à 47.000. Le bagne n'est qu'une machine à faire le vide. Et cette machine coûte quatorze millions par an à la France.
Beaucoup d'entre nous vont au mal parce qu'ils ne soupçonnent pas le bien. Les Américains leur cachent le mal et leur montrent le bien. L'homme se relève. S'il est illettré, on l'instruit. Quand il sort, un trousseau l'attend.
Je finirai d'abord sur ce rocher, ensuite dans le ventre d'un requin. Tout cela d'après la loi. Mon bonheur est de faire du bien à mes codétenus. Je fus un voleur. Ici, au bagne, je suis l'homme intègre. Mes chefs me confient l'infirmerie. Je gère vingt mille francs.
Bien souvent, quand je me retrouve seul, les soirs chez moi, dans mon hôpital, je regarde les bocaux. J'ai tous les genres de mort à ma disposition. Alors je me dis : si j'abrégeais? J'ai franchi les Andes. Sur trois planches, j'ai affronté les mers des Guyanes. J'ai traversé à la nage des rios en crue. Je n'ai pas le courage de déboucher un flacon! Vous avez voulu me voir? Tel est le triste individu que je suis. Au revoir, monsieur, et bonne chance!"



Le Petit Parisien 23 août - fac-similé Gallica intégral du journal

La capitale du crime : Saint-Laurent

Le Maroni est un émouvant chemin. Il conduit vers l'or, il amène au bagne. Dans le haut sont les "placers" aux noms parlants : placer "Enfin", placer "Espérance", placer "Merci Seigneur", placer "A Dieu-Vat". Ici s'étalent les camps des forçats.

Saint-Laurent-du-Maroni est le royaume de l'administration pénitentiaire. C'est une royauté absolue, sans sénat, sans chambre, sans même un petit bout de conseil municipal. C'est la capitale du crime.

Là, on fait le doublage, et là demeurent à perpétuité (mais meurent bien avant!) les forçats condamnés à huit ans et plus et qui ont achevé leur peine. Que font-ils? d'abord ils font pitié. Ensuite ils ne font rien. Leur formule est juste : le bagne commence à la libération. Qu'ils travaillent! Où çà? ils ont une concurrence qu'ils ne peuvent battre : celle des forçats en cours de peine.







Le Petit Parisien 24 août - fac-similé Gallica intégral du journal

La cour des miracles

C'est deux camps qui s'appellent chacun le "Nouveau camp". L'un pour la relégation, l'autre pour la transportation. Quatre cent cinquante chiens dans le premier, quatre cent cinquante dans le second. Au vrai, ce ne sont pas des chiens, ce sont des hommes! Mais ces hommes ne sont plus que des animaux...galeux, manchots, unijambistes, hernieux, cachectiques, aveugles, tuberculeux, paralytiques...

Le bagne est un déchet. Ces deux camps sont le déchet du bagne. Les médecins sont écoeurés. Le médecin voit l'homme. L'administration voit le condamné. Pris entre ces deux visions, le condamné voit la mort...il me supplie : "tu diras tout! tout! pour que çà change un peu..."









Le Petit Parisien 26 août - fac-similé Gallica intégral du journal
Chez les forçats qui sont nus

C'était un sidi. En sa qualité de pousseur-chef de Saint-Laurent-du-Maroni, je le fréquentais toute la journée. A travers la brousse nous allions à Charvein, chez les Incos. Passé le camp malgache, nous entrions au camp Godebert. Dans tous ces camps l'homme travaille de cinq heures à midi. Pendant ces sept heures, il doit faire le stère. Il est libre à l'intérieur du camp.
Ben Gadour, ayant poussé pendant vingt-deux kilomètres, s'arrêta et dit : Tiens! voilà la capitale du crime. C'était le camp Charvein. C'est le camp des Incos. L'homme de Charvein n'est plus un transporté, mais un disciplinaire. Tous les indomptables du bagne sont passés par là. Ils ont les cheveux coupés en escalier et sont complètement nus. La pioche sur l'épaule, ils passaient, rien qu'en chair et en os, sous le lourd soleil.





Le Petit Parisien 28 août - fac-similé Gallica intégral du journal
Les pieds-de-biche

Ce sont les voleurs. Ils ont leur ville : Saint-Jean. Et Saint-Jean se prononce Saint-Flour. Officiellement ils ont pour nom : les relégués. Ils sont au nombre de huit mille cent soixante-sept. Ce sont les honteux du bagne. L'auréole de la guillotine n'a pas brillé au-dessus de leur tête. Qu'est-ce que ce tas de pouilleux volant trois poules? La considération, ici, ne commence qu'au vol qualifié.

On croit aisément qu'une fois sa peine achevée, l'homme n'a qu'à courir le monde pourvu qu'il ne rentre pas en France. Ce n'est pas cela. Il va à Saint-Jean. La relégation est un bagne. nous sommes des interdits de séjour et non des forçats.

Eh bien! cherchez la différence entre un relégué et un transporté. Nous sommes habillés comme eux. De cela on se balance. Mais nous devons travailler! faire le stère! On nous nourrit, c'est vrai. Tout cuit : quatre-vingt quinze grammes de boeuf, la boule de pain.

Alors que fait-on après le stère : on vole! Dans la vie libre, nous ne volions que de temps en temps, ici, c'est tous les jours; le vol est notre unique pensée.








Une histoire
article ajouté dans l'édition en livre pages 193 à 195


Le Petit Parisien 29 août - fac-similé Gallica intégral du journalDD
Mon "garçon de famille" et quelques autres
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Le Petit Parisien 30 août - fac-similé Gallica intégral du journal
Chez les lépreux

Cette petite île a l'air d'un jouet. C'est l'îlet Saint-Louis des lépreux. Vingt forçats lépreux - un par arbre - étaient en train de perdre ici leur figure humaine. Ils sont maîtres d'eux-mêmes. Aucun surveillant.

Tous les deux jours, la barque de vivres arrive. Sans débarquer, les canotiers jettent à terre la cuisse de boeuf, le pain, le riz, et décampent. Alors descendent les pustuleux; ils ramassent la nourriture et la partagent en frères. Pas de cuisine commune ni de popotes. Chacun son pot de terre. Ils se dégoûtent les uns les autres.





Le Petit Parisien 31 août - fac-similé Gallica intégral du journal
Soeur Florence, ou le bagne des femmes

Soeur Florence est irlandaise. Depuis trente ans en Guyane, elle dirige le bagne des femmes. Alors vous nous quittez? Plus de femmes au bagne, alors plus de soeurs. Je rejoindrai notre maison, dans votre belle France. Qu'allez-vous faire de vos trois dernières pensionnaires? C'est bien mon souci. Nous allons arranger leur sort ensemble, monsieur le commandant.

















Le Petit Parisien 1 septembre - fac-similé Gallica intégral du journal
Au Tribunal Maritime

Le tribunal maritime ressemble à une chapelle. A la place du choeur, le capitaine et ses assistants. En bas, au-dessous de trois marches, bancs à droite, bancs à gauche. A droite, accusés et témoins; à gauche, la défense. Et au fond, cinq suisses noirs : cinq soldats de Guyane, baïonnette au canon.

Curatore ! vous vous présentez aujourd'hui devant nous pour votre septième évasion. Qu'avez-vous à dire? Je m'évade parce qu'on ne veut pas adopter les nouveaux procédés de travail à grand rendement...C'est tout? Je regrette. Mais vous regrettez toutes les fois. Eh bien! je regrette pour la septième fois..




























J...
article ajouté dans l'édition en livre pages 245 à 247



Le Petit Parisien 2 septembre - fac-similé Gallica intégral du journal
Six évadés dans la brousse

Bientôt, les immenses forêts de Guyane verront périr leurs derniers arbres balata. C'était la fortune de la colonie (le balata est bien meilleur que le gutta). Il y en avait de quoi servir le monde entier pour l'éternité. Deux mesures auraient suffi pour conserver cette fortune : quelques postes dans les bois et un règlement pour la saignée. Elles furent prises...mais par les Hollandais. Alors, chez nous, pays de liberté, tous les nègres anglais des petites Antilles s'abattirent, de la Barbade, de Tobago, de Sainte-Lucie, de Grenade, de Saint-Martin, de la Trinité. On ne saignait plus les arbres, on les coupait.

Si l'on coupait également, à défaut d'autre chose, les carrières d'administrateurs aussi brillants, ce serait juste retour.















Le Petit Parisien 4 septembre - fac-similé Gallica intégral du journal

Arrivée d'un convoi de forçats

à Saint-Laurent-de-Maroni












Le Petit Parisien 5 septembre - fac-similé Gallica intégral du journal
UN SCANDALE : La vie des libérés
2448 blancs


Quand on est forçat, on mange, fume, bricole. La fièvre vous mord-elle au dos? Si l'on sait s'y prendre, on voit s'amener une bonne couverture. Sans souci du lendemain ni de la colonisation, on rend grâces à Dieu de la boule de pain et des quatre-vingt quinze grammes de boeuf. Ah! le bon souvenir! monsieur! Le libéré passe son temps à soupirer après les travaux forcés !

Quand un homme est condamné à cinq ou sept ans de travaux forcés, sa peine achevée, il doit le doublage, c'est-à-dire demeurer encore cinq ou sept ans en Guyane. Quand un homme est condamné à huit ans ou plus, ce n'est pas alors pour lui : quitte ou double, mais quitte et crève. Il doit rester toute sa vie sur le Maroni

La loi prévoit que le transporté libéré pourra recevoir une concession. Bravo ! Or à ce jour, l'effectif des libérés est 2448. Les concessions, c'est de la blague. On en compte sept ou huit!

Leur peine est finie. Ils ont payé. A-t-on le droit, pour la même faute, de condamner un homme deux fois?

Ils ne trouvent pas d'embauche, mais n'ont pas le droit d'aller ailleurs.




Il faut voler ou se suicider - Voici une histoire
Un libéré, "coupable d'avoir volé des légumes dans le jardin d'un concessionnaire et de les avoir mangés sur place", est amené chez un surveillant.
Quoi! fait le surveillant, toi qui, au bagne, pendant dix ans, fut honnête ! Va-t-en, mais ne recommence plus.
Mettez-moi en prison, supplie le malheureux.
Je ne pourrai te garder qu'un jour.
Merci.
Le lendemain, après la ration, le surveillant veut renvoyer son homme.
Par pitié! conservez-moi encore un jour.
Tu me promets de ne plus voler?
Promis, chef!
Quand, le lendemain, le surveillant ouvrit la case, son protégé était pendu. Le testament, écrit au mur, disait : "Je vous avais promis de ne plus voler, chef! C'est ma seule façon de tenir parole."



Le Petit Parisien 6 septembre - fac-similé Gallica intégral du journal
QUELQUES SUGGESTIONS


J'ai fini. Et maintenant je m'adresse au
Le Petit Parisien 7 septembre - fac-similé Gallica intégral du journal
Que conclure de notre enquête sur le bagne ?


La réforme qu'entrevoit Me de Moro-Giafferi

Les Annales Politiques et littéraires du 21 octobre 1923 - fac-similé Gallica intégral du journal
Au BAGNE


Le Petit Parisien 29 août 1924 - fac-similé Gallica intégral du journal
Pourquoi le forçat Macheras quoique grâcié s'est évadé du bagne pour la cinquième fois.


Il était infirmier en chef des îles du Salut.

Le Petit Parisien 14 septembre 1924 - fac-similé Gallica intégral du journal
Le bagne est supprimé


Tous les forçats seront ramenés de la Guyane en France. Telle est la solution apportée à l'enquête, que le Petit parisien mena, voilà juste un an, contre une institution devenue honteuse pour la France.
Nous étions, avec le Portugal, la seule nation possédant encore des bagnes coloniaux. C'était pittoresque !
Le châtiment des coupables servant à la mise en valeur des colonies, belle idée ! Les belles idées ne sont pas toujors des idées justes.
Mais que fera-t-on des deux mille cinq cents "doublards"? On doit les libérer. On ne fait pas payer deux fois la même dette, même à des coupables.



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